Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

19 - Un nouveau départ

Bonjour à toutes et à tous !

 

C'est à 24h de prendre notre avion que nous prenons le temps de vous écrire une dernière fois. Au cœur d'une grande colocation de volontaires français à l'extrême nord de Quito, nous sommes accueillis pour passer sereinement ces dernières heures et découvrir une dernière réalité que nous n'avions pas beaucoup approché jusque là : la vie d'un quartier urbain, sensible, à 1h de bus du centre. La fondation Ecuasol, avec 6 salariés équatoriens et 6 volontaires français assure l'aide aux devoirs, la cantine, un suivi sanitaire et des activités diverses tous les jours de la semaine pour une soixantaine de jeunes du quartier et leurs parents. Une mission proche de ce que peux être un centre social en France.

 

Ces dernières semaines ont été pour nous l'occasion de faire un dernier tour du pays, passer du temps avec les personnes qui nous sont chères ici, pour les fêtes de fin d'année. Nous voulions vous partager quelques éléments de ces derniers instants de voyage, et surtout vous annoncer une nouvelle importante qui va bousculer notre retour. Bonne lecture !

 


 

 

En compagnie de Sandra, volontaire DCC à Quito, nos pas nous ont d'abord emmené dans le sud de l'Equateur, pour Noël, au sein de la communauté de Saraguro. Là bas, une autre volontaire DCC, Lucie, venait d'arriver pour une mission d'encadrement de service civique, c'était l'occasion de la rencontrer, d'échanger sur ses appréhensions, ses joies, ses questionnements de début de mission et lui témoigner à notre tour notre expérience. Dans cette zone du sud de la Sierra, les communautés ont conservé un grand attachement aux traditions ancestrales dont les fêtes, aujourd'hui, montrent un savant mélange entre temps forts chrétiens et coutumes pré hispaniques. Un petit exemple : les Wikis.

 

Durant ces 10 jours de fêtes continue, une dizaine d'hommes, dans l'ensemble de la paroisse, sont désignés pour être WIKI. Dès le début de décembre, ils doivent subir des cérémonies de purifications afin que leurs âmes, à la veille de la fête, puissent être enfermées dans une petite poupée accrochée à leur ceinture.

A partir de ce moment, leur esprit devient celui des WIKIS, serviteurs fourbes et mesquins, mais espiègles et jamais vraiment méchants, du diable. Ces hommes sont donc costumés et surtout, masqués. Personne ne doit les reconnaître et pendant 10 jours, ils ont tous les droits dans l'ensemble de la paroisse. Ils passent leur journée, et leurs nuits, à boire, voler des choses, embêter les gens (surtout les femmes...), chanter, danser, crier jusqu'au bout de leurs forces. On ne peut rien leur refuser, mais il est facile de négocier sa tranquillité contre une bière, un poème, quelques pièces ou tout autre cadeau improvisé.

 

Nous avons profité de quelques jours, entre deux épisodes de fêtes, pour découvrir les alentours, voir des cascades, et buller au bord des torrents..

 

 

 

Le 27 décembre, direction la côte pacifique à Canoa, petite bourgade proche de la cité de Puerto Viejo, bien connue pour son ambiance festive tout au long de l'année. C'est donc au soleil, en mangeant des fruits de mer pêchés dans les rochers, en nageant dans une mer à plus de 20°, en sirotant quelques cocktails ou en tombant dans le piège d'un certain alcool local et sûrement frelaté, que nous avons fêté l'anniversaire d'Hugues. Le temps passe si vite quand on ne fait que profiter..

 

 

 

Rapidement de retour à Riobamba pour profiter des fêtes du nouvel an, nous avons passé quelques heures à flâner dans les rues festives de la cité andine en compagnie d'Ana Paola, notre grande amie de l'alliance française, pour découvrir les traditions locales, notamment la construction de grands personnages en carton pâte qui représentent souvent des événements importants de l'année précédente ou des espoirs pour l'année qui vient. Nous avons aperçus de nombreuses fois des références au grand mouvement social d'Octobre, avec des statues de Lenin Moreno (président de l'Equateur), de Leonidas Iza (leader indigène) ou de représentants du FMI.

 

En ce qui concerne la circulation automobile, c'est difficile, à tous les ronds points et les carrefours, des groupes de jeunes hommes costumés en caricatures de femmes bloquent les voitures et assurent un spectacle dansant plus que tendancieux en échange de quelques piécettes.. Nous avons été rassuré en observant qu'en certains endroits, des jeunes femmes avaient osé se costumer en Homme pour assurer un autre spectacle, chose impossible il y a quelques années nous a assuré notre amie.

 

Quand vient minuit, ce sont toutes ces statues, plus ou moins grandes, qui sont brûlées au même moment, une impression d'incendie général dans toute la cité et les communautés alentours, et la fête continue jusqu'au bout de la nuit.

 

 

 

Le 3 janvier, après une diète bien méritée, nous avons eu enfin l'occasion de monter notre 2ème volcan avec Ana Paola. La lagune du Quilotoa s'est offerte à nos yeux pendant 6h de marche intense afin d'en faire le tour. Une randonnée exceptionnelle que nous conseillons à toutes celles et ceux qui viendraient un jour en Equateur.

 

Les derniers jours dans la province du Chimborazo ont été l'occasion de dire Adieu, ou au revoir, à certaines personnes, certains groupes qui ont été important pour nous. L'association des femmes de Palacio Real, la directiva de San Francisco, la famille de Paul et Johanna (les deux élèves de piano d'Hugues), les profs de l'alliance française, des jeunes volontaires allemands de Riobamba et d'autres encore. Des moments d'émotion, de bilans aussi, l'occasion de réaliser une dernière fois ce qu'on a vécu ici. Et puis, direction Quito pour 4 derniers jour avant notre avion afin de faire une dernière fête avec nos ami.e.s volontaires français qui travaillent dans la capitale. Un dîner par ci, une soirée par là, pour se dire au revoir, conserver les contacts, les mails ou les whatsapp afin de se retrouver au pays lors des retours de chacun, on se promet de revenir à Nantes, Toulouse, Bordeaux, Biarritz, Paris, Lille, Rennes ou Lyon pour boire des verres et se remémorer nos voyages respectifs.

 

Et c'est ainsi que se termine cette aventure.

 


 

 

A vous, toutes et tous, qui nous avez soutenus pour ce voyage, qui avez lu avec attention nos quelques articles, qui attendez peut être avec impatience notre retour, il est temps de vous annoncer une nouvelle importante.

 

Cela fait longtemps que nous échangeons sur notre retour, les projets que l'on souhaite mener, nos désirs, nos envies respectives. Et à la mi-novembre, nous avons pris la décision de nous séparer à notre retour en France. Nous souhaitons d'ors et déjà vous rassurer, cette décision a été discutée sereinement, dans la peine bien sûr, sur le moment, mais prise avec anticipation et donc bien vécue aujourd'hui. Nous avons souhaité terminer notre voyage ensemble, jusqu'au bout, et c'est toujours le cas au moment où nous écrivons ces quelques lignes.

 

Nous souhaitons donc vous partager ce que va signifier concrètement, pour chacun d'entre nous cette décision :

Elise va rentrer dans son Poitou natal pour passer quelques temps au 6, le Frêne afin de travailler un peu et prendre le temps de se choisir une nouvelle formation, ou d'autres projets, renouer avec le MRJC local, sa famille et ses amis.

Hugues va retourner sur Amiens, retrouver le MRJC, la pastorale de jeunes, enseigner à nouveau l'histoire géographie et surtout, s'engager dans la campagne des municipales amiénoise qui commence à battre son plein.

 

Nous aurons le plaisir de nous retrouver tous les deux en mars pour un week-end de bilan organisé par la DCC mais vous comprendrez aisément que l'organisation d'une soirée de retour commune est compromise. Hugues aura néanmoins la charge d'organiser, en février, une soirée témoignage et bilan de notre mission avec d'autres acteurs de la solidarité internationale sur Amiens.

 

Nous souhaitions vous remercier une dernière fois pour votre soutien actif pour ce voyage.

C'est avec joie et bonheur que nous nous vous retrouverons au gré de nos projets en France, pour vous conter directement autour d'un café ou d'une bonne bière, tous ces menus détails que nous n'avons pas pris le temps d'écrire.

 

Nous vous embrassons toutes et tous,

Fraternellement,

 

Hugues et Elise.


15/01/2020
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18 - Le synode de l'Amazonie

Bonjour à toutes et à tous, voilà longtemps que nous n'avions plus donné de nouvelles sur notre blog. Nous allons tranquillement remédier à cela en vous partageant les réflexions menées lors d'un d'un week-end auquel nous avons participé à la mi-novembre.

 

Nous vous avions déjà parlé de ce groupe de français en Équateur (Pôle Amérique Latine) qui se retrouve deux fois par an pour échanger sur les projets de chacun mais aussi pour traiter d'un thème d'actualité. Évidemment, nous avons parlé, avec un peu de recul, de notre vécu pendant le grand mouvement de grève qui s'est déroulé en Octobre pendant deux semaines avec à la clef, un match nul entre les manifestants et le gouvernement. Certes, le chef de l'état a abandonné le principal décret qui, parmi d'autres mesures absurdes, augmentait de plus de 100% le prix de l'essence. Mais après plusieurs morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations arbitraires, rien n'a changé dans la politique néo libérale de Lenin Moreno qui contente les milieux d'affaires, les puissants de ce pays et continue d'augmenter les inégalités.

 

Mais cette fois, un 2ème sujet a attiré notre attention, celui du synode sur l'Amazonie qui s'est récemment déroulé à Rome. Si les Églises des pays amazoniens, comme l’Équateur, sont directement concernés par les débats qui ont eu lieu, il est important de noter que l'ensemble de l’Église mondiale va être bousculée par les conclusions de ce moment historique.

 

Alors, asseyez vous confortablement et quelques conseils avant de vous lancer dans la lecture :

 

- Si vous n'êtes pas croyants, certains points vont sûrement vous paraître étranges, mais pas de soucis, on a tout fait pour décoder le langage. On vous invite quand même à la lecture, ne serait ce que par curiosité, pour savoir ce qui se passe un peu dans ce monde là.

2 - Si vous êtes chrétiens et/ou intéressés de base par ces questions, détendez vous un peu, certains points vont sûrement vous faire réagir et vous questionner. Gardez d'abord à l'esprit que nous ne sommes pas entrés dans les détails, délivrant simplement les faits, sinon l'article aurait fait 8 pages... Ensuite, notez que l’Église ne s'arrête aux frontières d'une paroisse et d'un diocèse, ça parait logique mais on l'oublie souvent, même nous parfois. Ainsi, nos traditions et nos visions de la foi peuvent se trouver ébranlées, par le contact avec de nouvelles manières de croire, de célébrer même si la communion demeure la même.

 

C'est parti !!!!

 


 

I) Un synode, c'est quoi ?

 

D'abord, un synode c'est un rassemblement d’évêques du monde entier sur un thème particulier qui concerne l’Église. Le pape appelle un synode et envoie un document de cadrage aux évêques concernés qui le partagent dans leurs diocèses afin de faire remonter les réalités du terrain pour les confronter toutes ensemble. Quand on reprend l'étymologie du terme, en grec, cela signifie « Cheminer ensemble », on comprend le principe.

A titre d'exemples, depuis le début de son pontificat, le pape François a déjà engagé des synodes sur la Famille ou la jeunesse, qui ont débouché sur de grandes décisions pour l’Église, avec plus ou moins d'impacts.

Il est important de noter qu'il existe des synodes à l'échelles d'un seul diocèse (Dans la somme par exemple en 2018), d'un pays ou d'un continent.

 

La particularité de ce synode est qu'il se centre sur la question de l'Amazonie, et de fait, seuls des diocèses de neuf pays sont concernés : Équateur, Bolivie, Colombie, Venezuela, Pérou, Brésil, Surinam et les deux Guyane. Les évêques de ces pays là sont donc chargés de collecter des informations, pour les transmettre au secrétariat à Rome qui doit produire un seul document.

Ensuite, des évêques du monde entier reprennent cette synthèse (un gros bouquin de près de 300 pages..).

A la fin du synode tous les évêques font un résumé de ce qu'ils ont discuté et de ce qui leur paraît le plus important et le donnent au pape. Ce dernier fait alors une lettre encyclique ou pastorale pour en définir les perspectives.

 

Concrètement, en janvier 2018, le pape fait un voyage au Chili, au Pérou et au Mexique. Il va dans une ville de l'Amazonie péruvienne : Puerto Maldolano et y déclare : « Nous allons mettre en marche un synode qui se réunira dans un an et demi ». En octobre 2019, les évêques se sont donc réunis pendant 3 semaines à Rome avec 3 étapes classique du pape François : D'abord quelle est la réalité ? Ensuite quelle réflexion, quelles questions tout cela nous pose ? Et enfin quelles solutions concrètes peut-on poser ? C'est le grand principe de Voir/Juger/Agir, si cher aux mouvements d'actions catholiques.

 

Dans le synode il y a des participants à temps complets : Les évêques bien sûrs, mais aussi une trentaine de religieuses, des prêtres, des personnalités d'autres religions. On y trouve des experts qui vont donner une informations sur les réalités locales propres à l’Église ou non, des analyses, des réflexions, un éclairage théologique, anthropologique, sociologique, historique, bref.. ce sont les scientifiques. Enfin, on retrouve des personnalités « témoins » qui travaillent à la base et qui livrent de nombreux exemples concrets d'actions et de solutions mises en pratique. 

 

Le secrétariat du synode a regroupé tout les échanges dans le document final, voté point par point, par chapitres, par les 187 évêques présents. Dans les votations, les 4/5ème du document ont eu plus de 80% d’approbation, mais certains points en ont eu un peu moins, et nous verrons pourquoi.

 

II) Les questions écologiques et sociales

 

Ce synode a été beaucoup discuté, parce qu'on prend conscience au niveau mondial qu'on est dans une impasse actuellement, qui nous mène à l'extinction de la vie dans un futur proche si nous ne faisons rien. Déjà, il y a des choses irréversibles, comme la disparition de 70% des insectes et des oiseaux en Europe. Un continent où se font des choses, mais sans réactions structurelles, collectives et organisées, planifiées notamment de la part des gouvernements.

 

C'est un sujet qui intéresse donc tout le monde, parce que si on ne fait pas marche arrière et qu'on ne change pas de système d'organisation sociale, politique et économique, on va droit dans le mur. Ce synode est donc extraordinaire et important parce qu'il touche toutes les dimensions de la vie humaine : sociale, économique, politique.

 

Évidemment toutes les multinationales, les gouvernements des pays développés, et d'autres, ne sont pas intéressés, parce qu'ils ne veulent pas changer leur mode de vie et les structures existantes qui les ont amenés à être aujourd'hui au pouvoir. Ça créé des oppositions, y compris au sein de l’Église, car tout cela demande des changements structurels, et pas de simples mesurettes.

Il y a donc un gros intérêt qui s'est fait autour du synode, avec un très grand nombre d'interventions à tout les niveaux pour la préparation. C'est le premier synode où l'on voit un tel niveau d’intérêt, de tant de gens, de partout, y compris à l'extérieur de l’Église, qu'ils soient pour ou contre. C'est là qu'on voit l'importance d'un tel synode, l'impact qu'il a eu localement et qu'il aura après la publication de ses conclusions par le pape François avant Noël.

 

Un autre élément donne de l'importance et un écho très fort au synode :

Si depuis plus de 40 ans, de nombreuses associations militent pour dénoncer le changement climatique, la première prise de conscience au niveau mondial n'a eu lieu que dans les années 2000, avec la Lettre sur la Terre faite à l'ONU par différentes personnes, notamment Leonardo Boff, prêtre et ancien ministre des affaires étrangères du Nicaragua. Une quinzaine de pages qui alertaient déjà sur la catastrophe qu'on est en train de préparer. De là, de plus en plus de moyens ont été donnés, notamment pour que les scientifiques puissent étudier à grande échelle ces changements et produire des études à l’échelle mondiale.

 

En Juin 2015, François publie « Laudato Si », une lettre encyclique percutante qui reprend tout cela, l'approfondi, l'analyse, en dénonce les causes. Un document clair qui ne cache pas les choses. Un document de référence pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aux problèmes de la Terre, qu'ils soient d'accord ou non. Cette lettre a eu un impact énorme puisque diffusée dans tout l’Église du monde et même en dehors. On considère aujourd'hui que ce synode est l'enfant de « Laudato Si », et que quiconque n'a pas conscience des problématiques structurelles engendrées par le changement climatique, ne pourra pas comprendre les conclusions de ce synode.

 

III) Les réformes structurelles de l'Eglise

 

Le synode s'attache aux questions écologiques et sociales, mais ce n'est pas ce qui pose le plus de problèmes aux ennemis du pape François. Car oui, c'est la première fois (depuis le concile Vatican II) qu'il va y avoir des ruptures structurelles qui vont faire bouger les normes écrites dans le droit canon. Sans entrer dans les détails, quels sont les thèmes les plus attendus ?

 

Le célibat des prêtres : Mis en place et décrété définitivement au concile de Trente en 1542, il n'est finalement pas très ancien aux yeux de l'Histoire millénaire de l’Église et, chose essentielle, il ne vient pas de Jésus Christ. Cette structure s'effrite aujourd'hui, certaines églises catholiques ne l'ont d'ailleurs jamais pratiqués, notamment en Orient. Ceux qui sont contre sont évidement les plus fervents détracteurs du pape et disent que c'est un voyou et un hérétique. Au final, le synode va permettre d'ordonner des hommes mariés, avec des limitations bien sûr, notamment géographiques.

 

Le ministère féminin : Prenons l'exemple d'une femme participante au synode en commission qui a déclaré : « Je ne veux pas être prêtre dans les mêmes conditions que les pères d'aujourd'hui ». L'idée est donc de créer des nouveaux ministères, adaptés aux changements du monde et aux multiples services que les femmes rendent déjà aujourd'hui à l'Eglise. Finalement, avec ces ministères féminins, le synode remet en cause la forme, l'exercice, le contenu et l'identité du sacerdoce ordonné masculin tel qu'il est conçu aujourd'hui. On comprend aisément les tensions produites par ce genre de changement.

 

La décentralisation : Le pape souhaite que les conférences épiscopales continentales se dotent d'un pouvoir plus élargis et que Rome ne soit plus le centre de tout. Notons aussi la création du REPAM (Réseau Ecclésial Panaméricain), le groupe d'évêques et de prêtres des 9 pays amazoniens pour préparer le synode. Ce dernier annonce que ce groupe doit demeurer afin de permettre la mise en œuvre de ses conclusions.

 

Le thème : La plupart du temps, quand les évêques se réunissent, c'est pour parler de l’Église, des problématiques internes bibliques, théologiques et ecclésiales. Cet automne, le titre du synode était « Nouveaux chemins pour la rénovation de l’Église et la défense de l'Amazonie ». Ainsi, ce n'était plus seulement l’Église en elle même, mais plutôt une Église au service de la défense de la vie, de la protection des forêts et des peuples que l'on assassine impunément.

 

Les laïcs : Sur ce point, le document final des évêques reprend une directive du concile Vatican II qui affirme « le premier sacerdoce est celui des baptisés ». Le sacerdoce ordonné (les prêtres) est au service des baptisés, il faut donc revaloriser celui des laïcs. C'est un appel à briser l'image du « père » que l'on détient aujourd'hui, et se retrouver plutôt à la manière des premières communautés chrétiennes, sans ordinations.

Si l'on devait définir sacerdoce, ou vocation, ce serait « Un engagement au service de... ».

 

L'inculturation : Comment annoncer l'évangile dans des pays qui ne sont pas d'Europe ?

Le christianisme est né en Palestine, au passage de trois civilisations (Asie, Europe et Afrique), mais c'est l'Europe qui a, petit à petit, accaparé cette religion. Ce christianisme occidental s'est imposé en Amérique latine (comme sur d'autres continents). Mais pour faire une Église latino américaine véritable et annoncer le royaume, il faut un processus d'inculturation. On part des religions, rites et cultes locaux, pour expliquer le sens de l'existence du royaume et de la résurrection du christ.

 

Tout cela fonctionne si l'on considère que les cultures sont égales et que chaque religion a une connaissance particulière et originale de Dieu. Chaque culture découvre Dieu d'une façon différente des autres. Dans ces différences il y a beaucoup de richesses, parlons donc en égaux et pas en supérieur. On comprend facilement les problèmes que peuvent poser quand on arrive quelque part et que l'on dit : « Nous avons la vérité, nous avons Jésus Christ. » Il y a des vérités présentes dans la vie des peuples, des cultures, des religions et des personnes. L'inculturation est donc un partage de nos richesses. Ainsi, un missionnaire ne doit pas imposer et construire des églises mais aller à l'intérieur de la culture et dire comme Saint Paul à Athènes : « J'ai visité vos églises et vous êtes bien avancés, moi je viens d'ailleurs pour compléter en vous présentant Jésus Christ ».

 

 

 

 

 

Au final, ce synode pose des questions très larges et ébranle les certitudes d'une Église en crise existentielle. Si nous avons choisi de nous centrer sur les questions les plus épineuses ayant pour cœur la structure même de l’Église catholique d'aujourd'hui, nous attendons aussi avec impatience les décisions prises sur les questions écologiques et sociale qui concernent les peuples et la forêt.

Le pape François doit écrire ses conclusions qui, seules, feront office de règles pour l’Église dont il a la charge. S'il est nécessaire et salutaire de se poser les bonnes questions sans avoir peur des réponses, nombreux sont celles et ceux qui craignent que le pontife ne joue ici ses dernières cartes...

Affaire à suivre,

 

 


 

Si vous avez lu jusque là, c'est que vous êtes persévérants, bravo !

Vous avez mérité notre reconnaissance éternelle et on vous embrasse bien fort =)

On vous dit, au prochain article !

 

Élise et Hugues.

 


04/12/2019
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17 - Le volontariat, une réponse à l'appel "Laudato Si" ?

Bonjour à toutes et à tous !

 

Nous souhaitions vous partager un article paru il y a peu dans le webmedia catholique Aleteia qui a pris l'initiative de nous interroger (avec d'autres volontaires DCC) sur les liens entre l'encyclique du pape françois « Laudato si » et le volontariat de solidarité international.

 

Un angle de vue chrétien donc, parmi les autres qui composent notre mission en Equateur.

 

Deux petites précisions pour les néophytes :

1 - Une encyclique est une lettre rédigée par le pape (le chef de nous, les catholiques) à l'adresse des évêques, et parfois à l'ensemble des chrétiens du monde. Elle expose la position officielle de l'Eglise sur un thème précis.

2 - « Laudato Si » est l'encyclique rédigée par le pape François en 2015. Pourquoi est-elle particulière ? D'abord, elle fait partie des rares qui s'adresse à « l'ensemble des Hommes et des femmes de bonne volonté », donc pas seulement aux chrétiens. Ensuite, le pape (et donc l'Eglise!) y affirment que l'Homme a une grande responsabilité dans le changement climatique. Enfin, parce qu'il y développe le concept d'écologie intégrale mêlant la lutte contre le changement climatique et la justice sociale, puisque selon lui « Tout est lié ».

Ces trois aspects particuliers de cette encyclique en font une "bombe" qui secoue encore les chrétiens du monde entier, puisqu'elle donne du grain à moudre pour toutes celles et eux qui luttent contre les climato-sceptiques ou les néo-libéraux.

 

Pour les plus curieux qui n'ont pas le temps de lire le texte en entier, je peux vous envoyer une analyse plus concise de l'encyclique qu'à réalisé un ami, demandez la dans les commentaires.

 

Allez, sans transitions, voici l'article :

 



« J’ai toujours eu l’intime conviction qu’on ne peut pas faire attention à la planète sans faire attention à son frère », affirme Hugues Pinel, 27 ans, volontaire à la Délégation catholique pour la Coopération (DCC) depuis neuf mois en Équateur. Se fondant sur l’enseignement que le pape François a développé dans son encyclique Laudato Si’, la DCC propose à ses volontaires de vivre une expérience prenant en compte toutes les dimensions de l’Homme.

Et si vous répondiez à l’appel lancé par le pape François dans Laudato Si’ en mettant les voiles ? Attention, il n’est pas question ici de fuir ses responsabilités ou de larguer les amarres sans garder de point d’ancrage. Il s’agit plutôt de se mettre au service. « Au cours de ma dernière année d’étude, je me suis demandé quelles grandes orientations je voulais donner à ma vie, et comment fortifier ma foi et l’unifier avec ma vie, en particulier professionnelle », confie à Aleteia Mayeul Paige, ingénieur agronome. « Finalement, comment vivre en chrétien ? J’avais besoin de poser un acte fort qui marque ma vie, de prendre un engagement pour les autres, afin de vivre en accord avec mes convictions ; le projet de départ en volontariat est alors arrivé progressivement à maturité ».

 

« Tu ne peux pas faire attention à la terre sans faire attention à ton propre frère. Le pape François a réussi à mettre des mots justes, simples, sur cette réalité essentielle. »

 

Désirant être envoyé par un mouvement d’Église et « donner une vraie dimension spirituelle à sa mission », il choisit de partir avec la Délégation catholique pour la Coopération (DCC), le service du volontariat international de l’Église fondé en 1967, qui accompagne chaque année plus de 500 volontaires pour des missions de trois mois à deux ans dans une cinquantaine de pays. C’est aussi ce choix qu’ont fait Élise Nauleau et Hugues Pinel en partant en février 2019 pour un an en Équateur. « Nous étions animés du même désir de partir ensemble, loin mais pas n’importe comment », précise le jeune homme de 27 ans à Aleteia. « Nous souhaitions vivre une vraie rencontre avec des gens en restant suffisamment longtemps au même endroit pour créer de solides liens ». Salarié au Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC) pendant plus de trois ans, il connaissait la DCC de nom. « C’est l’organisme qui nous paraissait le plus cohérent avec notre manière de vivre », précise-t-il. Une manière de vivre toute droite inspirée de l’encyclique Laudato Si’. « Ce qui m’a marqué dans ce texte est la jonction de l’écologie et du social : tu ne peux pas faire attention à la terre sans faire attention à ton propre frère. Le pape François a réussi à mettre des mots justes, simples, sur cette réalité essentielle ».

Concrètement, à travers ses missions, la DCC propose à ses volontaires de « s’ouvrir à la Création et prendre soin d’elle », notamment en s’engageant dans des projets durables pour les générations futures, dans la santé, l’éducation, l’agriculture, l’environnement… « Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société », écrit ainsi le Pape dans son encyclique (n° 91). Mayeul Paige est parti une année au Nord-Ouest du Cambodge rejoindre une petite association, Vivre de sa Terre, dont l’objectif est d’apprendre aux agriculteurs khmers à cultiver la terre en utilisant les principes et techniques de l’agroécologie. « Mes missions consistaient surtout à encadrer et former à l’agronomie les staffs khmers de l’association, ainsi qu’à établir et gérer des partenariats avec d’autres ONG », détaille le jeune homme.

« Au quotidien c’était aussi beaucoup d’imprévus, il a fallu apprendre à s’adapter ! Le début de mission a été assez difficile, pour trouver ma place dans l’association et à cause de l’isolement, la barrière de la langue s’avérant dans les deux cas assez problématique ! Finalement, surmonter ces difficultés a été très enrichissant d’un point de vue personnel, et j’ai vécu une belle année de rencontres et de découvertes.

La mission, un tremplin pour sa carrière ?

D’autres missions invitent les volontaires à agir pour plus de justice sociale envers les pauvres en mettant leurs compétences au service de projets locaux de développement, en favorisant le partenariat, l’inclusion sociale, l’autonomie des populations et l’accès à des conditions de vie dignes. C’est le cas d’Hugues Pinel et d’Elise Nauleau qui sont gestionnaires de projets au bénéfice des communautés indigènes quichuas. « L’expérience que nous vivons actuellement nous a permis de clarifier le fait qu’il y avait dans la vie trois piliers : le pilier humain, c’est-à-dire le rapport à l’autre, le pilier création, c’est-à-dire le rapport à la terre, et le rapport spirituel, c’est-à-dire la relation à Dieu. C’est le trépied sur lequel l’humanité doit se reposer pour progresser », assure Hugues Pinel.

« L’agro-écologie se définit comme une agriculture durable, écologiquement saine, économiquement viable et socialement juste. Donner aux agriculteurs les connaissances agronomiques pour avoir une production agricole régulière et durable, suffisante pour couvrir largement leurs besoins, respectueuse de l’environnement et qui ne nécessite pas d’investissements financiers lourds, c’est une belle manière de répondre à l’appel du Pape ! », assure Mayeul Paige. « J’idéalise un peu bien sûr, mais l’idée est aussi de redonner leur dignité aux agriculteurs et c’est une manière de restaurer le tissu social, avec beaucoup d’échange de connaissances et d’entraide entre producteurs et une revalorisation de leur métier. Je crois fermement que l’on peut ainsi transformer les choses par petites touches et en utilisant la science à bon escient au service de l’homme. »

La clameur de la terre et la clameur des pauvres

« À travers vos initiatives, vos projets et vos actions, vous rendez visible une Église pauvre avec et pour les pauvres, une Église en sortie qui se fait proche des personnes en situation de souffrance, de précarité, de marginalisation, d’exclusion », avait salué le pape François en février 2017, à l’occasion de l’ouverture du jubilé des 50 ans de la DCC. En invitant ses volontaires à se mettre à l’écoute de la clameur de la terre et de la clameur des pauvres, la DCC propose de vivre, tout simplement, l’appel Laudato Si’. « En tant qu’agronome, on se fixe des objectifs techniques variés : augmenter un rendement de x%, trouver une alternative plus écologique à tel herbicide, réduire un temps de travail… », indique Mayeul Paige. « Mais à force de se fixer sur un aspect en particulier, on oublie parfois le contexte plus général dans lequel tout cela s’inscrit, et je pense en particulier aux aspects politiques et de société. C’est en ce sens que Laudato Si’ est un texte référence, il développe le paradigme de l’écologie intégrale, qui articule toutes les relations fondamentales de la personne humaine : avec elle-même, avec les autres, avec Dieu mais aussi avec la Création. Il réconcilie des domaines que l’on oppose souvent ». « Ce volontariat nous apporte un nouveau regard sur notre rapport à l’autre », assure encore Hugues Pinel. « À notre retour en France nous ne serons plus les mêmes, c’est un appel à vie ».

Agnes Pinard legri, journaliste à Aleteia


16/10/2019
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16 - Les origines du soulèvement populaire en Equateur

Salut à tout le monde !

Vous êtes nombreux à nous demander des nouvelles et des précisions sur l'actuel mouvement social en Equateur. Alors voici un premier article que revient sur les origines de ce mouvement. Viendra plus tard un second article sur le détail des évènements que nous avons vécus cette dernière semaine.

Il est certain qu'il s'agit d'un moment historique pour l'Equateur et c'est une vraie chance de vivre tout cela au contact de la communauté de San Francisco.

rassurez vous, nous allons bien, notre situation juridique ne nous permet pas de prendre des risques inconsidérés.

 

Servez vous un café, asseyez vous tranquillement, l'article est un peu plus long que d'habitude =)

Bonne Lecture !

 

 

 

 

Depuis 7 jours, des manifestations et blocages ont lieu quotidiennement dans au moins 19 des 24 provinces du pays. L'économie tourne au ralenti.

Depuis 7 jours, le président Moreno a décrété l'état d'urgence, auquel s'est ensuite ajouté un couvre-feu, et les affrontements ont produit au moins 8 morts, des centaines de blessés et d'arrestations.

Depuis 7 jours, la mobilisation grandit, s'intensifie et se radicalise.

 

Mais comment en est-on arrivés là ?

 

1979-2006 : Une instabilité constante

 

Source de toute instabilité, les inégalités ont toujours été extrêmement fortes en Équateur. Les gouvernements militaires des dictatures n'ont pas réussi, ni voulu, diminuer cet état de fait, notamment dans le monde indigène qui, avec la communauté afro américaine, sont les plus pauvres.

En 1979, la transition démocratique amène au pouvoir un président de gauche vite assassiné en 1981 puisqu'il tenait une ligne souveraine face au désirs des USA de chercher du pétrole. Sa chute permet l'arrivée au pouvoir en 1984 de la droite conservatrice (Parti social-chrétien, qui n'a rien de chrétien ni de social..) autour de León Febrés Cordero (Nebot, l'actuel maire de Guayaquil en est le successeur) qui introduit une succession de présidents et de politiques libérales qui, avec l'assentiment des grands organismes internationaux, minent petit à petit les pouvoirs réels de l'état, notamment en ce qui concerne la gestion financière.

 

En 1999, le président Jamil Mahuad, récemment élu, doit lutter contre l'effondrement du système bancaire de son pays et l'hyper inflation du sucre, la monnaie nationale. Due à la chute du cours du pétrole et aux conséquences agricoles dramatiques du phénomène climatique « El niño », cette crise va être prise en main par la doxa néo libérale traditionnelle : Mesures d'austérités (Hausse de la TVA, des prix du carburants, nouvelles taxes, baisse des salaires...) pour pouvoir demander un prêt au FMI, afin qu'il renfloue les erreurs d'un système bancaire complètement corrompu et de pouvoir renouer avec la croissance. En bref, pour soigner les résultats d'une politique, on utilise les outils de… la même politique !

 

En 1999, l’Équateur subit une récession de 7%, une inflation de plus de 60%, et accuse une dette de 13,6 milliard de dollars (ce qui est beaucoup pour ce pays à l'époque). Dans la tempête, les jeux de pouvoirs et les accusations d'inactions, le président de la République prend, au début de l'année 2000, une décision historique : La dollarisation du pays. Cette mesure va, en quelques mois, stopper net l'inflation et résoudre l'un des principaux soucis de ce gouvernement.

Le 21 janvier 2000, il est confronté à une contestation indigène majeure et des militaires le destituent, il est remplacé par son vice président Gustavo Noboa, nommé par le congrès national (ancêtre de l'assemblée nationale jusqu'en 2008). Ce dernier va poursuivre les mesures d'austérité et de dollarisation de son prédécesseur tout en contenant la mobilisation indigène par l'arrestation de plus de 200 leaders.

 

Cette crise a de graves conséquences sur l'avenir de ce pays : Plus d'1 million d'habitants (15% de la population active de l'époque!) migrent vers l'Espagne, les États-Unis ou des pays limitrophes, 17 établissements bancaires ont disparu (avec les conséquences que cela implique pour les économies de millions d'habitants..) et la perte de la souveraineté nationale sur la monnaie.

 

En 2003, les élections présidentielles amènent Lucio Gutierrez, militaire et homme politique, à la tête de l'état avec un programme de gauche. Surnommé le « Hugo Chavez » équatorien et nommant trois indigènes aux postes de ministres, Mr Gutierrez va cependant vite faire déchanter ses électeurs. Il continue les mesures économiques austéritaires en lien avec le FMI, suit la vassalisation face à la politique extérieure des USA et en prenant finalement des mesures marginalisant les indigènes qui avaient pourtant largement contribué à son arrivée au pouvoir.

Une partie de la gauche s'associe donc avec le parti social chrétien pour contester le président dès décembre 2004. Le 20 avril 2005, face à une montée en force des manifestations, rejointes par les mouvements indigènes, malgré la proclamation de l'état d'urgence à Quito, le congrès national destitue Mr Gutierrez et donnent le pouvoir à son vice président Alfredo Palacio. Ce dernier va tenir les rênes de l'état à bout de bras jusqu'aux élections présidentielles de fin 2006, faisant face avec constance aux mouvements sociaux contre les accords de libre échange avec les États-Unis (ZLEA) en cours de négociation et aux organisations indigènes qui luttent contre la main mise des entreprises étrangères pétrolières sur leurs territoires.

 

Au 2ème tour des présidentielles, deux candidats se font face :

Alvaro Noboa, homme le plus riche du pays et magnat de la banane. Il est un fervent défenseur d'une politique économique néo libérale et soutient vigoureusement l'alignement sur la politique étrangère des Etats Unis. Face à lui se tient Rafael Correa, économiste de gauche, à la tête d'un nouveau mouvement politique, Alianza Pais, qui regroupe une quinzaine d'organisations. Ce dernier promet notamment de retrouver une indépendance nationale face à la vassalisation des États-Unis, de renégocier la dette de l'état et de reprendre en main les contrats avec les entreprises pétrolières...

 

Mr Noboa dénonce son adversaire comme communiste, simple «valet» d'Hugo Chavez et compare son programme politique au stalinisme en URSS ou encore au fondamentalisme religieux en Iran.

Mr Correa, quant à lui, accuse son adversaire de droite d'être le représentant des « mafias qui pillent le pays ».

 

Au second tour, recevant le soutien de la CONAIE (Confédération des Nationalités Indigènes de l'Equateur), Rafael Correa reçoit 57% des voix et devient le 8ème président de l'Equateur en… dix ans. C'est le début d'une transition politique et économique majeure.

 

2007 – 2008 : Une nouvelle constitution pour une transition post-néolibérale

 

Dès le jour de son investiture, en janvier 2007, Rafael Correa annonce la tenue d'un referendum pour l’élection d'une assemblée constituante qui aura un an pour proposer un nouveau texte fondateur pour le pays. Il entame une première année de pouvoir dans des conditions politiques compliquées puisque les législatives ont été largement remportées par le parti de son rival, Alvaro Noboa, étant donné qu'Alianza Pais n'avait pas souhaiter présenter de candidats. Le Congrès National est donc dominé par une opposition de droite farouche et déterminée à bloquer tant qu'elle le peut les réformes souhaitées par le gouvernement de Correa, par crainte d'une nouvelle récession économique et du départ des investisseurs étrangers (arguments récurrents lors de l'arrivée au pouvoir d'un dirigeant de gauche..).

 

En avril 2007, lors du référendum pour la tenue des élections constituante, le oui l'emporte largement avec 82% des voix et les électeurs sont convoqués pour le 30 Septembre. Le mouvement Alianza Pais obtient une majorité des 130 sièges à l'Assemblée constituante, tandis que le président Correa dissous le Congrès National donnant ainsi une grande marge de manœuvre pour l'écriture d'une nouvelle constitution, mais aussi pour l'application concrète et immédiate de la pensée politique de la Révolution Citoyenne.

 

Le projet de constitution présenté par cette nouvelle assemblée a un double enjeu : Redonner une force aux institutions de l'état et assurer la reconnaissance de toutes les spécificités d'un état dont la population est extrêmement hétérogène. Ainsi, le texte redonne à l'état un fort pouvoir de contrôle politique et de régulation économique, tandis qu'il reconnaît des droits fondamentaux particuliers pour les 14 nationalités (les individus mais aussi leur territoire, leurs lois, leurs autorités, leurs langues…) qui peuplent l'Équateur.

 

Dès son adoption avec près de 65% des voix le 28 septembre 2008, le président annonce la tenue d’élections générales et remet son mandat en jeu pour le mois de février 2009, qu'il emporte largement, ainsi qu'une majorité absolue à la nouvelle Assemblée Nationale. Plus que de simples règles institutionnelles, la nouvelle constitution s'inscrit au cœur d'un projet politique, celui du socialisme au 21ème siècle.

 

2009 – 2016 : Le socialisme du XXIème siècle en Equateur, réussites et difficultés

 

Il faudrait de nombreuses pages pour décrire le contenu idéologique et les applications concrètes de la Révolution citoyenne activée par les différents gouvernements de Rafael Correa. Donnons en simplement quatre aspects essentiels et leurs conséquences.

 

Réforme fiscale : L'équateur est un pays pétrolier depuis les années 70 et à l'époque, le président avait dit : « Plus besoin d'impôts, nous avons le pétrole ». En 2006, quand Correa arrive au pouvoir, les finances du pays sont complètement dépendante de l'or noir et il souhaite diversifier les ressources de l'état. Une vaste réforme fiscale, qui s'est surtout axé sur l'efficacité du prélèvement d'impôt, a permis d'augmenter les revenus fiscaux de 3,6 milliards de dollars annuels en 2006 à 15 milliards en 2015. Cette réforme a permis très concrètement qu'après 2015, lors de la chute brutale des cours du pétrole, l'Equateur a pu soutenir le choc et se relancer l'année suivante malgré un grand tremblement de terre qui lui a coûté 3,5% de son PIB en reconstruction.

 

Réforme de la santé : Dans un pays où 80% du territoire n'était pas couvert d'hôpitaux et où le système de santé était divisé entre corporations (hôpital des armées, de la sécurité sociale, public, privé....), le gouvernement de Correa a investi à la fois dans la formations et dans les infrastructures pour assurer à la fois une meilleure couverture, une clarification de l'accès et la gratuité des soins.

 

Réforme de l'éducation : Dans un continent où la moyenne de l'investissement public dans l'enseignement supérieur est de 0,8% du PIB, l’Équateur a atteint 2,3% ! Pour une raison bien simple : Afin de ne plus être seulement un pays exportateur de matières première et dépendant des autres pour l’importation de produits transformés, il fallait engager de profonds changements dans l'éducation avec des investissements massifs dans les infrastructures, mais aussi dans la formation et les salaires des personnels enseignants. L'éducation publique est devenue gratuite et couvre l'ensemble du territoire, des plus petits aux universitaires.

 

Politique d’aide financière aux mères abandonnées, aux personnes âgées, aux handicapés, aux ‘sans-toit’, au émigrés qui reviennent… La sécurité sociale universelle…

 

Politique étrangère souveraine : Le changement a été net, radical et rapide. Le président ne renouvelle pas le bail au gouvernement des États-Unis pour l’utilisation de la base navale de Manta. Il n'y a plus aucun contacts avec le FMI, la banque mondiale ou la banque américaine de développement, considérés comme des instruments du néo libéralisme et des intérêts nord-américains. Dans la foulée, l’Équateur rejoint l'alliance bolivarienne qui regroupait les gouvernements de gauche de l'époque (Venezuela, Cuba, Bolivie, Nicaragua, Dominique, Saint Lucie, Honduras, Uruguay, Nicaragua…) pour pouvoir peser politiquement à l'échelle internationale. Dans le cadre de l'intégration régionale sud-américaine, l’Équateur a beaucoup œuvré pour le bon fonctionnement de l'UNASUR (Union des Nation Sud-Américaines) afin de recentrer les discussions autour des nations latinos américaines, sans la présence des États-Unis. Enfin, l’Équateur a donné asile au lanceur d'alerte (révélation de dossiers secrets sur le non respect des droits de l’homme durant les invasions militaires des USA) Julian Assange, activement recherché et condamné par les Etats-Unis.

 

Il est important de noter que dans un pays où la grande majorité des médias est détenue par des institutions bancaires, il a fallu mener une lutte médiatique vigoureuse, violente et sans compromission. Attaqué de toute part par une opposition farouche et très puissante dans les journaux, la télévision et la radio, le gouvernement a dû répondre coup pour coup avec parfois de grandes maladresses. Critiqué pour son emportement face aux médias, Correa est donc accusé d'autoritarisme et de soutenir une vision liberticide voir de censure de la part de ses détracteurs.

 

Dans les choix budgétaires, le gouvernement a fait le choix de la diversification, mais dans le même sens, il n'a pas pu se passer complètement de l'extraction pétrolière pour pouvoir financer les ambitieuses réformes sociales. Ainsi, même s'il a remis en cause la main mise des entreprises étrangères (chinoises en particulier) sur la rente pétrolière, il a fallu continuer à chercher sur les territoires indigènes pour continuer à produire. Très vite, la contestation a retrouvé son chemin et de nombreuses organisations indigènes et ONG se sont retournées contre celui qu'elles avaient soutenu. Rappelons qu'une organisation sociale comme la CONAIE ne dépend ni d'un parti ou d'une organisation religieuse (entendre ici ni évangélique, ni catholique..), mais demeure autonome et défend les intérêts des populations indigènes (même si les dirigeants se taille la part belle du gâteau, malheureusement...). Elle représente presque 30% de la population équatorienne réparties en presque 15 nations différentes.

 

Ainsi, le temps use le pouvoir et petit à petit la contestation prend sa place à gauche comme à droite, mais cela n'empêche pas Correa d'emporter très largement les présidentielles de 2013 dès le premier tour avec 57% des voix. Malgré une candidature dissidente d'un ancien ministre regroupant son aile gauche et la branche politique du mouvement indigène (Pachakutik), et que la droite ne parvient pas à s'unir derrière une candidature unique. Avec 100 sièges à l'Assemblée national, sur les 137, remportés par Alianza Pais, c'est la preuve d'une inscription durable du « corréisme » dans la population équatorienne.

 

C'est reparti pour 4 ans de Révolution citoyenne. En 2017, ne pouvant se présenter une troisième fois au même mandat (la constitution l'interdit), Rafael Correa adoube l'un de ces anciens vice président, Lenin Moreno, pour porter la campagne d'Alianza Pais. Farouche défenseur d'une continuité politique tout en mettant un bémol sur l'hyper présidence de son prédécesseur, Lenin Moreno fait campagne à gauche.

 

En 10 ans, le PIB a bondi de 68%, la pauvreté a chuté de 37 à 23% et le coefficient de GINI (indice qui synthétise les inégalités de salaires dans un pays, 0 étant une égalité parfaite) qui passe de 0,56 à 0,46. Lenin Moreno peut donc défendre un bilan solide des années de Correa (Malgré plusieurs scandales de corruption) et promet de conserver la ligne anti-libérale. Élu de justesse avec 51,16% au second tour, il rassure l'ensemble du camp progressiste qui voit enfin l'arrêt de l'arrivée au pouvoir d'une idéologie conservatrice comme dans les autres pays d'Amérique Latine (Argentine, Paraguay, Brésil, Honduras…).

 

2017 – 2019 : Lenin Moreno, ou l'art de retourner sa veste

 

Malgré une campagne axée sur la continuité de la révolution citoyenne, Mr Moreno réalise ce que l'on peut appeler le « néolibéralisme par surprise ». Dès son arrivée au pouvoir, le président Moreno s'attache à défendre un « dialogue national » qui s'avère être une bonne opportunité de rapprocher du pouvoir les élites anti-corréistes. De là s'opère une restauration du pouvoir des marchés et un ré-alignement sur la politique étrangère des USA, les premières mesures contentent la droite et horrifient ses alliés. Pour couronner le tout, Lenin Moreno se choisit un bouc émissaire, un adversaire de taille, en la personne du président Correa (et tout ses alliés), qu'il va traîner dans la boue sans vergogne. La « Révolution citoyenne vient de porter au pouvoir un homme qui va s'appliquer à la défaire ».

 

La guerre est lancée, une machine judiciaire implacable dans laquelle il est extrêmement difficile de discerner le vrai du faux s'abat sur les partisans de Rafael Correa (Ce que l'on appelle aujourd'hui le « Law Fare », dixit Lula au Brésil, Kirchner en Argentine ou Mélenchon en France). Ce dernier s’exile en Belgique, d'autres au Mexique ou dans les pays limitrophes, et certains vont même en prison. C'est le cas notamment de Jorge Glas, colistier de Lenin Moreno pendant les élections, emprisonné sans preuves réelle. Les médias ne sont pas en reste, les rares journaux publics considérés jusqu’alors comme pro-correa revienne dans la ligne de Lenin et se mette au diapason des médias privés : Les corréistes sont des voleurs, des profiteurs, des dictateurs…

 

La nomination du patron des patrons au ministère de l'économie va amener des objectif on ne peut plus clairs : Libéralisation commerciale, flexibilisation du code du travail, imposition de l'austérité et éradication des mesures de redistribution de l'ancien gouvernement. L'équateur quitte l'Alliance Bolivarienne et renoue avec l'Alliance du Pacifique qui regroupe les états latino-américains libre-échangistes et dominés par les conservateurs nord-américains. Mais ce qui nous intéresse surtout aujourd'hui, c'est l'amnistie d'impôt pour les mauvais payeurs et en particuliers une série de grandes entreprises. Au prétexte de « favoriser les investisseurs », l'état se prive de l'équivalent de 4 milliards de dollars. Dans la foulée, on apprend que Lenin Moreno s'est tourné vers le FMI pour demander un prêt dont la première tranche serait de... 4,2 milliards de dollars (sur 11 prévus) ! Qui donne de l'argent demande une contrepartie, on connaît depuis longtemps celles du FMI mais le détail de ces mesures ne sont pas annoncées.

 

Au milieu de tout cela arrivent les élections locales en mars 2019, pour renouveler les préfets de provinces, les présidents de canton, de Junta Parroquial et de nombreux maires dans les grandes villes. Les partisans de Correa se voient refuser la possibilité de présenter des candidats par le conseil national électoral malgré trois tentatives successives. Peu avant l’échéance électorale, ils parviennent à trouver un accord avec un petit parti sans existence médiatique, la « Lista cinco ». En une semaine, sans campagne et sans pouvoir présenter des candidats partout, ils parviennent à réunir 30% des voix et des victoires notables comme la gobernación (mairie+canton) de la capitale, Quito. Ainsi, malgré un matraquage médiatique sans précédent, Rafael Correa et la Révolution Citoyenne sont encore présents dans la mémoire citoyenne du Pays, mais pour combien de temps ?

 

Les mesures néolibérales s’enchaînent, entraînant une nouvelle hausse des inégalités de la pauvreté. La politique étrangère va à l'encontre de tout ce qui avait rendu une dignité et une place dans l'échiquier international à ce petit pays. La réaction populaire se fait attendre mais l'on sent bien que le pays bout, un volcan social prêt à se déchaîner, la population concentrant de plus en plus d'amertume. Il ne manque plus qu'une étincelle...

 

Sources principales : Le monde diplomatique, Le vent se lève, des équatoriens et des français vivant ici.

Sources secondaires : Latinreporters.com, Le nouvel Obs, Le monde, L'Humanité, Les Echos, Le Figaro, Rfi


10/10/2019
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15 – La cérémonie des semailles !

Il était temps de vous donner des nouvelles. Après ces 3 semaines incroyables passées en France, on est repartis sur de bons rails ! Et en ce moment tout s'accélère un peu, et comme on est déjà un peu acclimaté, on prend le pli tout de suite. Les réunions avec les différentes communautés se multiplient pour faire avancer les différents projets, le bénévolat avec l'alliance française s'intensifie (soirées jeux et chorale), et on va commencer (enfin!!!) les cours de français pour les habitants de San Francisco qui travaillent avec nous, les grandes ferias approchent, que ce soit juste pour la fête ou par rapport au projet artisanal d'Elise...

 

Mais c'est un tout autre sujet sur lequel nous allons nous attarder aujourd'hui, celui de l'agriculture ou particulièrement, d'une cérémonie d'échange des semailles que nous avons vécu récemment.

 

« Je viens d'un pays où seule 3% de la population active travaille la terre.

Je viens d'un pays où de nombreux enfants ne savent pas que le lait vient de la vache

Je viens d'un pays où il y a un catalogue officiel de semailles qui interdit officiellement la vente et l'échange de toutes les semences anciennes qui ne sont pas répertoriées.

Je viens d'un pays où une majorité de nos produits alimentaires passent par le secteur industriel

Je viens d'un pays où l'on oublie la dimension spirituelle du rapport à la Terre et à la création.

Ce pays, chers amis, c'est la France..

Mais tout n'est pas perdu, car toujours aujourd'hui, des paysans se battent pour retrouver la liberté des semailles, pour retrouver un lien avec la terre, pour lutter contre un productivisme industriel qui détruit à la fois nos terres, mais aussi notre propre rapport à la Nature. Des femmes et des hommes luttent en France pour que l'agriculture ne servent pas à accumuler du capital, mais bien à faire vivre des familles entières et à nourrir l'humanité.

 

Bravo à vous, continuez à échanger, à faire pousser, à nourrir vos familles, vos voisins et les autres. Continuez à vous organiser en petites coopératives car un jour viendra où vous devrez lutter pour conserver votre autonomie et vos libertés.

Pas de civilisation sans paysannes et paysans, le futur est entre vos mains, vos outils et vos terres.

 

Alors merci pour cet accueil, c'est un grand honneur pour moi de participer à cette cérémonie de bénédiction des semailles.

Yupaïchani ! »

 

Nous étions à Palacio Real, invité par Segundo, un des membres de la directiva de cette communauté et responsable d'une petite entreprise de fabrication de boisson à base de Quinoa. Cette cérémonie a lieu tous les ans, et est l'occasion pour les paysans locaux de se retrouver pour échanger des semailles et présenter quelques produits transformés. Le tout organisé par la coopérative locale « Maquita » qui organise l'achat, le conditionnement et la revente du quinoa biologique dans tout le secteur.

 

A la base, nous devions seulement participer, discuter et regarder bien sagement pour voir comment s'organise une telle cérémonie. Mais c'était sans compter notre ami segundo qui a poussé Hugues au centre de la place. L'extrait précédent est donc ce qu'Hugues est parvenu à dire (en espagnol!) quand il s'est retrouvé parmi les 14 hommes et femmes selectionnés pour présider la cérémonie andine de bénédiction des semailles.

 

Cela a été une chance incroyable. Mais dans ces cas là, on prie pour ne pas être le premier à avoir le micro parce qu'on ne comprend pas forcément ce qu'il faut faire. On observe, on écoute et on imite. Lorsque l'occasion se présente d'avoir la parole, on tente à la fois de dire quelque chose qui ait du sens, sans trop s'éloigner du sujet, le tout dans une langue qui n'est pas la sienne, tout un défi..

Aprés les présentations de chacun des membres du comité de présidence, il a fallu installer les trois cercles concentriques de fleurs, de fruits et de céréales, au centre duquel trônait un petit feu et le shaman. Les 14 membres choisis ont été mis en couple (un homme et une femme) pour représenter les différentes portes enérgétique du corps humain. Il nous paraît important de préciser que Hugues s'est retrouvé avec une petite mamie dans la représentation du chakra sexuel (petit moment gênant mais sans grandes conséquences finalement, et heureusement...)

 

La cérémonie fut lancée pour 20 minutes, pendant lesquelles nous nous sommes tournés vers les 4 points cardinaux en demandant à chacun des esprits de bénir les semailles et de nous donner la pluie. A la fin, chacun a pu dire un mot sur son ressenti et nous sommes allés nous rasseoir pour.. la messe catholique de bénédiction.

Assurée par le père Graziano Mason, président et créateur de Maquita, cette messe nous a fait un bien fou. Depuis longtemps nous attendions une célébration joyeuse, qui nous parle. Nous avons même eu la chance de reconnaître certains des chants =).

 

Ainsi, une cérémonie andine avec un shaman, la messe catholique, avec une bonne moitié des gens présents qui sont évangéliques... Bienvenue en Equateur, où ici les mots inter-religieux et syncrétismes prennent tout leur sens.

 

On espère que tout vas bien pour vous qui suivez nos aventures.

Au plaisir d'avoir de vos nouvelles !

 

 


16/09/2019
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