Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

18 - Le synode de l'Amazonie

Bonjour à toutes et à tous, voilà longtemps que nous n'avions plus donné de nouvelles sur notre blog. Nous allons tranquillement remédier à cela en vous partageant les réflexions menées lors d'un d'un week-end auquel nous avons participé à la mi-novembre.

 

Nous vous avions déjà parlé de ce groupe de français en Équateur (Pôle Amérique Latine) qui se retrouve deux fois par an pour échanger sur les projets de chacun mais aussi pour traiter d'un thème d'actualité. Évidemment, nous avons parlé, avec un peu de recul, de notre vécu pendant le grand mouvement de grève qui s'est déroulé en Octobre pendant deux semaines avec à la clef, un match nul entre les manifestants et le gouvernement. Certes, le chef de l'état a abandonné le principal décret qui, parmi d'autres mesures absurdes, augmentait de plus de 100% le prix de l'essence. Mais après plusieurs morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations arbitraires, rien n'a changé dans la politique néo libérale de Lenin Moreno qui contente les milieux d'affaires, les puissants de ce pays et continue d'augmenter les inégalités.

 

Mais cette fois, un 2ème sujet a attiré notre attention, celui du synode sur l'Amazonie qui s'est récemment déroulé à Rome. Si les Églises des pays amazoniens, comme l’Équateur, sont directement concernés par les débats qui ont eu lieu, il est important de noter que l'ensemble de l’Église mondiale va être bousculée par les conclusions de ce moment historique.

 

Alors, asseyez vous confortablement et quelques conseils avant de vous lancer dans la lecture :

 

- Si vous n'êtes pas croyants, certains points vont sûrement vous paraître étranges, mais pas de soucis, on a tout fait pour décoder le langage. On vous invite quand même à la lecture, ne serait ce que par curiosité, pour savoir ce qui se passe un peu dans ce monde là.

2 - Si vous êtes chrétiens et/ou intéressés de base par ces questions, détendez vous un peu, certains points vont sûrement vous faire réagir et vous questionner. Gardez d'abord à l'esprit que nous ne sommes pas entrés dans les détails, délivrant simplement les faits, sinon l'article aurait fait 8 pages... Ensuite, notez que l’Église ne s'arrête aux frontières d'une paroisse et d'un diocèse, ça parait logique mais on l'oublie souvent, même nous parfois. Ainsi, nos traditions et nos visions de la foi peuvent se trouver ébranlées, par le contact avec de nouvelles manières de croire, de célébrer même si la communion demeure la même.

 

C'est parti !!!!

 


 

I) Un synode, c'est quoi ?

 

D'abord, un synode c'est un rassemblement d’évêques du monde entier sur un thème particulier qui concerne l’Église. Le pape appelle un synode et envoie un document de cadrage aux évêques concernés qui le partagent dans leurs diocèses afin de faire remonter les réalités du terrain pour les confronter toutes ensemble. Quand on reprend l'étymologie du terme, en grec, cela signifie « Cheminer ensemble », on comprend le principe.

A titre d'exemples, depuis le début de son pontificat, le pape François a déjà engagé des synodes sur la Famille ou la jeunesse, qui ont débouché sur de grandes décisions pour l’Église, avec plus ou moins d'impacts.

Il est important de noter qu'il existe des synodes à l'échelles d'un seul diocèse (Dans la somme par exemple en 2018), d'un pays ou d'un continent.

 

La particularité de ce synode est qu'il se centre sur la question de l'Amazonie, et de fait, seuls des diocèses de neuf pays sont concernés : Équateur, Bolivie, Colombie, Venezuela, Pérou, Brésil, Surinam et les deux Guyane. Les évêques de ces pays là sont donc chargés de collecter des informations, pour les transmettre au secrétariat à Rome qui doit produire un seul document.

Ensuite, des évêques du monde entier reprennent cette synthèse (un gros bouquin de près de 300 pages..).

A la fin du synode tous les évêques font un résumé de ce qu'ils ont discuté et de ce qui leur paraît le plus important et le donnent au pape. Ce dernier fait alors une lettre encyclique ou pastorale pour en définir les perspectives.

 

Concrètement, en janvier 2018, le pape fait un voyage au Chili, au Pérou et au Mexique. Il va dans une ville de l'Amazonie péruvienne : Puerto Maldolano et y déclare : « Nous allons mettre en marche un synode qui se réunira dans un an et demi ». En octobre 2019, les évêques se sont donc réunis pendant 3 semaines à Rome avec 3 étapes classique du pape François : D'abord quelle est la réalité ? Ensuite quelle réflexion, quelles questions tout cela nous pose ? Et enfin quelles solutions concrètes peut-on poser ? C'est le grand principe de Voir/Juger/Agir, si cher aux mouvements d'actions catholiques.

 

Dans le synode il y a des participants à temps complets : Les évêques bien sûrs, mais aussi une trentaine de religieuses, des prêtres, des personnalités d'autres religions. On y trouve des experts qui vont donner une informations sur les réalités locales propres à l’Église ou non, des analyses, des réflexions, un éclairage théologique, anthropologique, sociologique, historique, bref.. ce sont les scientifiques. Enfin, on retrouve des personnalités « témoins » qui travaillent à la base et qui livrent de nombreux exemples concrets d'actions et de solutions mises en pratique. 

 

Le secrétariat du synode a regroupé tout les échanges dans le document final, voté point par point, par chapitres, par les 187 évêques présents. Dans les votations, les 4/5ème du document ont eu plus de 80% d’approbation, mais certains points en ont eu un peu moins, et nous verrons pourquoi.

 

II) Les questions écologiques et sociales

 

Ce synode a été beaucoup discuté, parce qu'on prend conscience au niveau mondial qu'on est dans une impasse actuellement, qui nous mène à l'extinction de la vie dans un futur proche si nous ne faisons rien. Déjà, il y a des choses irréversibles, comme la disparition de 70% des insectes et des oiseaux en Europe. Un continent où se font des choses, mais sans réactions structurelles, collectives et organisées, planifiées notamment de la part des gouvernements.

 

C'est un sujet qui intéresse donc tout le monde, parce que si on ne fait pas marche arrière et qu'on ne change pas de système d'organisation sociale, politique et économique, on va droit dans le mur. Ce synode est donc extraordinaire et important parce qu'il touche toutes les dimensions de la vie humaine : sociale, économique, politique.

 

Évidemment toutes les multinationales, les gouvernements des pays développés, et d'autres, ne sont pas intéressés, parce qu'ils ne veulent pas changer leur mode de vie et les structures existantes qui les ont amenés à être aujourd'hui au pouvoir. Ça créé des oppositions, y compris au sein de l’Église, car tout cela demande des changements structurels, et pas de simples mesurettes.

Il y a donc un gros intérêt qui s'est fait autour du synode, avec un très grand nombre d'interventions à tout les niveaux pour la préparation. C'est le premier synode où l'on voit un tel niveau d’intérêt, de tant de gens, de partout, y compris à l'extérieur de l’Église, qu'ils soient pour ou contre. C'est là qu'on voit l'importance d'un tel synode, l'impact qu'il a eu localement et qu'il aura après la publication de ses conclusions par le pape François avant Noël.

 

Un autre élément donne de l'importance et un écho très fort au synode :

Si depuis plus de 40 ans, de nombreuses associations militent pour dénoncer le changement climatique, la première prise de conscience au niveau mondial n'a eu lieu que dans les années 2000, avec la Lettre sur la Terre faite à l'ONU par différentes personnes, notamment Leonardo Boff, prêtre et ancien ministre des affaires étrangères du Nicaragua. Une quinzaine de pages qui alertaient déjà sur la catastrophe qu'on est en train de préparer. De là, de plus en plus de moyens ont été donnés, notamment pour que les scientifiques puissent étudier à grande échelle ces changements et produire des études à l’échelle mondiale.

 

En Juin 2015, François publie « Laudato Si », une lettre encyclique percutante qui reprend tout cela, l'approfondi, l'analyse, en dénonce les causes. Un document clair qui ne cache pas les choses. Un document de référence pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aux problèmes de la Terre, qu'ils soient d'accord ou non. Cette lettre a eu un impact énorme puisque diffusée dans tout l’Église du monde et même en dehors. On considère aujourd'hui que ce synode est l'enfant de « Laudato Si », et que quiconque n'a pas conscience des problématiques structurelles engendrées par le changement climatique, ne pourra pas comprendre les conclusions de ce synode.

 

III) Les réformes structurelles de l'Eglise

 

Le synode s'attache aux questions écologiques et sociales, mais ce n'est pas ce qui pose le plus de problèmes aux ennemis du pape François. Car oui, c'est la première fois (depuis le concile Vatican II) qu'il va y avoir des ruptures structurelles qui vont faire bouger les normes écrites dans le droit canon. Sans entrer dans les détails, quels sont les thèmes les plus attendus ?

 

Le célibat des prêtres : Mis en place et décrété définitivement au concile de Trente en 1542, il n'est finalement pas très ancien aux yeux de l'Histoire millénaire de l’Église et, chose essentielle, il ne vient pas de Jésus Christ. Cette structure s'effrite aujourd'hui, certaines églises catholiques ne l'ont d'ailleurs jamais pratiqués, notamment en Orient. Ceux qui sont contre sont évidement les plus fervents détracteurs du pape et disent que c'est un voyou et un hérétique. Au final, le synode va permettre d'ordonner des hommes mariés, avec des limitations bien sûr, notamment géographiques.

 

Le ministère féminin : Prenons l'exemple d'une femme participante au synode en commission qui a déclaré : « Je ne veux pas être prêtre dans les mêmes conditions que les pères d'aujourd'hui ». L'idée est donc de créer des nouveaux ministères, adaptés aux changements du monde et aux multiples services que les femmes rendent déjà aujourd'hui à l'Eglise. Finalement, avec ces ministères féminins, le synode remet en cause la forme, l'exercice, le contenu et l'identité du sacerdoce ordonné masculin tel qu'il est conçu aujourd'hui. On comprend aisément les tensions produites par ce genre de changement.

 

La décentralisation : Le pape souhaite que les conférences épiscopales continentales se dotent d'un pouvoir plus élargis et que Rome ne soit plus le centre de tout. Notons aussi la création du REPAM (Réseau Ecclésial Panaméricain), le groupe d'évêques et de prêtres des 9 pays amazoniens pour préparer le synode. Ce dernier annonce que ce groupe doit demeurer afin de permettre la mise en œuvre de ses conclusions.

 

Le thème : La plupart du temps, quand les évêques se réunissent, c'est pour parler de l’Église, des problématiques internes bibliques, théologiques et ecclésiales. Cet automne, le titre du synode était « Nouveaux chemins pour la rénovation de l’Église et la défense de l'Amazonie ». Ainsi, ce n'était plus seulement l’Église en elle même, mais plutôt une Église au service de la défense de la vie, de la protection des forêts et des peuples que l'on assassine impunément.

 

Les laïcs : Sur ce point, le document final des évêques reprend une directive du concile Vatican II qui affirme « le premier sacerdoce est celui des baptisés ». Le sacerdoce ordonné (les prêtres) est au service des baptisés, il faut donc revaloriser celui des laïcs. C'est un appel à briser l'image du « père » que l'on détient aujourd'hui, et se retrouver plutôt à la manière des premières communautés chrétiennes, sans ordinations.

Si l'on devait définir sacerdoce, ou vocation, ce serait « Un engagement au service de... ».

 

L'inculturation : Comment annoncer l'évangile dans des pays qui ne sont pas d'Europe ?

Le christianisme est né en Palestine, au passage de trois civilisations (Asie, Europe et Afrique), mais c'est l'Europe qui a, petit à petit, accaparé cette religion. Ce christianisme occidental s'est imposé en Amérique latine (comme sur d'autres continents). Mais pour faire une Église latino américaine véritable et annoncer le royaume, il faut un processus d'inculturation. On part des religions, rites et cultes locaux, pour expliquer le sens de l'existence du royaume et de la résurrection du christ.

 

Tout cela fonctionne si l'on considère que les cultures sont égales et que chaque religion a une connaissance particulière et originale de Dieu. Chaque culture découvre Dieu d'une façon différente des autres. Dans ces différences il y a beaucoup de richesses, parlons donc en égaux et pas en supérieur. On comprend facilement les problèmes que peuvent poser quand on arrive quelque part et que l'on dit : « Nous avons la vérité, nous avons Jésus Christ. » Il y a des vérités présentes dans la vie des peuples, des cultures, des religions et des personnes. L'inculturation est donc un partage de nos richesses. Ainsi, un missionnaire ne doit pas imposer et construire des églises mais aller à l'intérieur de la culture et dire comme Saint Paul à Athènes : « J'ai visité vos églises et vous êtes bien avancés, moi je viens d'ailleurs pour compléter en vous présentant Jésus Christ ».

 

 

 

 

 

Au final, ce synode pose des questions très larges et ébranle les certitudes d'une Église en crise existentielle. Si nous avons choisi de nous centrer sur les questions les plus épineuses ayant pour cœur la structure même de l’Église catholique d'aujourd'hui, nous attendons aussi avec impatience les décisions prises sur les questions écologiques et sociale qui concernent les peuples et la forêt.

Le pape François doit écrire ses conclusions qui, seules, feront office de règles pour l’Église dont il a la charge. S'il est nécessaire et salutaire de se poser les bonnes questions sans avoir peur des réponses, nombreux sont celles et ceux qui craignent que le pontife ne joue ici ses dernières cartes...

Affaire à suivre,

 

 


 

Si vous avez lu jusque là, c'est que vous êtes persévérants, bravo !

Vous avez mérité notre reconnaissance éternelle et on vous embrasse bien fort =)

On vous dit, au prochain article !

 

Élise et Hugues.

 



04/12/2019
3 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 71 autres membres