Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

14 - Nous vivons ici !

Avant de débuter, sachez que dans le cadre d'un heureux mariage familial, nous rentrons en France pour trois semaines en août. Pour celles et ceux qui le peuvent, et le veulent, nous organisons une soirée ouverte de mi-retour le vendredi 23 août : https://www.facebook.com/events/2305642082861889/

L'occasion de voir quelques photos, de nous poser toutes les questions que vous voulez, de faire un peu la fête aussi. Au plaisir de vous y croiser =)

 

Bonne Lecture !

 

Nous vivons ici !

 

Quand on parle de « communauté » ici, ce n'est pas un simple mot mais bien une réalité juridique au sein du fonctionnement administratif de l'état équatorien. Depuis longtemps, les indigènes dispersés dans la sierra andine, se regroupent en village. Dans une société extrêmement hétérogène entre blancs, metis, noirs et indigènes, ordonnée au profit des deux premiers, les communautés ont commencé à lutter pour une reconnaissance, parvenant à s'installer durablement dans le paysage et dans l'organisation territoriale. En 2008, sous la présidence de Rafael Correa, la nouvelle constitution va définitivement institutionnaliser et reconnaître le principe des « comunidades » regroupées en « Junta Parroquial » autour d'un bourg un peu plus grand.

 

Si le terme « alcade » (maire) est réservé aux responsables élus des cantons, ici celui de Riobamba, c'est un « presidente de junta parroquial » qui gère la ville de Calpi et les 17 communautés qui se sont formées autour, dont La Moya, Rumicruz, Palacio Real, Jatari Campesino et bien sûr San Francisco de Cunuhuachay.

Pour les communautés, c'est différent. Elles fonctionnent un peu comme une structure associative dirigée par une « directiva » (bureau) avec un.e président.e, un.e secrétaire, un.e trésorier.e et des élus pour un ou deux ans, c'est selon.

De fait, ces communautés peuvent donc prétendre à recevoir des subventions de fondations, ce qui n'est pas le cas des GAD (gouvernement autonomes décentralisés) des grandes villes, des cantons, provinces ou ministères publics. Lorsque de grandes décisions doivent être prises, il y a une assemblée générale, mais le plus souvent, la « directiva » s'occupe des affaires de gestion courante. C'est là qu'apparaissent les fameuses « mingas ».

 

C'est l'idée simple d'un travail communautaire, où toutes celles et ceux qui profitent du chantier sont tenus, sous peine d'amende, de participer aux travaux. Ces derniers sont multiples, cela peut être pour nettoyer des routes après de fortes pluies, construire un bâtiment collectif, préparer une grande fête ou gérer les besoins en eau.

 

Par exemple, San Francisco de Cunuhuachay est raccordée à un réseau d'eau potable récent et régulier, mais pour ce qui est de l'irrigation des champs, c'est une autre affaire. Deux « fuentes de agua dulce » (sources d'eau douce) sont utilisées, l'une près du village, avec un réservoir creusé à même la montagne et un petit canal qui distribue dans les terres alentours, mais ça ne suffit pas. Il y a plusieurs décennie, les indigènes se sont organisés pour aller chercher l'eau jusqu'au pied du volcan Chimborazo, à plusieurs kilomètres. Cela a nécessité de longues semaines de main d’œuvre pour construire un canal ouvert (la plupart du temps), entre la source et les terres du villages. A flanc de montagne, le canal couvre une longue distance, mais est souvent victime d'éboulements, de coulées de boues ou plus simplement de la nature qui reprend ses droits, poussant allégrement au gré du passage de l'eau.

 

Ainsi, chaque année, une grande « minga de agua » est organisée, où toutes les familles utilisant l'eau pour leurs champs, doivent envoyer une à trois personnes pour monter sur la montagne et nettoyer le canal. Armés de solides bottes, de picos (pioches), palas (pelles) et asadon (houe), nous avons passé deux journées entières à suer jusqu'à la source à 4000 mètres d'altitude. L'organisation est plutôt simple, chaque groupe familial est positionné tous les 2 ou 3 mètres le long du canal et a la responsabilité de cette portion. Une fois le travail effectué, ils continuent leur chemin, dépassent les autres groupes et prennent la prochaine parcelle libre, et ainsi de suite jusqu'à la source.

 

N'étant pas sur la liste communautaire, nous avons constitué une petite équipe de « secours », survolant les parcelles pour aider tel ou tel groupe en difficulté face à une portion plus compliquée que les autres. Parfois, il fallait dégrossir plusieurs mètres cube de terre et de buisson, sans machines évidemment.

 

C'était la première fois que nous participions à des gros travaux avec la communauté, qui n'a pas l'habitude d'être aider par des « blancs » sur ces chantiers là. Alors entre les piques niques partagés, les blagues sur nos « petits poumons d'européens » et les conversations pendant les longues marches, ça brise un peu la glace entre eux et nous. Notons que désormais, pour une bonne partie des habitants de San Francisco, Elise n'est plus seulement, la « mujer de hugo », mais bien une personne à part entière avec un prénom et un caractère propre. Ça à l'air un peu scandaleux vu de chez nous, mais c'est très compliqué à faire comprendre ici qu'Hugues puisse faire la vaisselle pendant qu'Elise discute à table avec les gens. C'est aussi étonnant pour eux qu'Hugues puisse ne pas savoir où est Elise, qui travaille et se balade sans forcément faire des rapports précis de ses déplacements à celui qui est considéré comme son « mari ».

 

Après plus de quatre mois de présence, quelques participations à de petites mingas, aux célébrations ou fêtes locales. Après quatre mois d'investissement dans les projets de l'association des femmes de la Quilla Pacari, et dans les communautés alentours ; Les gens ne nous prennent plus pour des touristes, nous appellent par nos prénoms, des surnoms même et les regards sont différents.

Il y a peu, c'était la Copa America. Nous avons été invités par Yvan, Jefferson, Luis et d'autres jeunes de notre âge à regarder le match chez eux. Samedi prochain, ce sera notre premier mariage avec invitation officielle, par le neveu de Marcella.

 

Et voilà, nous y sommes...

Nous vivons ici !

 



18/07/2019
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