Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

7 - La fabrication des shigras selon Elise

Avec Hugues, lors d'un des ateliers de la formation DCC avant le départ, nous avions été prévenus : « Soyez patients, parfois vous vous demanderez ce que vous faites là, et quand démarrera réellement ce pourquoi vous avez été envoyé ». Je ne croyais pas si bien dire !

Dès notre arrivée, et jusque début mars, je ne compte plus le nombre de fois où l'on a répondu à mes questions avec un grand sourire : « Après le carnaval ».

Alors j'ai pris mon mal en patience, entre l'accueil des touristes à la Quilla Pacari, les ballades, les diverses rencontres avec les habitants de San Francisco, les heures passées sur Duolingo (l'application pour apprendre des langues étrangères) ou à tenter de déchiffrer les anciens cahiers d'espagnols de Hugues, finalement, le temps passe vite.

 

C'est donc avec joie que j'ai accueilli la fin du carnaval pour pouvoir réellement commencer ma mission. Je quitte donc la Quilla Pacari pour rejoindre l'atelier de Yolanda, où m'attendent des tissus, des anciens modèles de sacs, de vêtements et une machine à coudre professionnelle que je dois apprivoiser afin de transmettre les détails de son utilisation à d'autres femmes. Mon but : Créer des modèles plus élaborés de ces fameux shigras (sac en fibres végétales). Si la structure brute du sac est tissée par de nombreuses femmes des communautés, tout le reste est à faire : Les doublures avec ou sans poches, les bandoulières pour une éventuelle transformation en sac à dos, les fermetures éclairs, les boutons pressions, l'harmonie des couleurs...

 

C'est donc avec Yolanda que je passe, pour l'instant, le plus clair de mon temps. Elle comprend un peu mon français, je décrypte doucement son castillan et elle m'apprend quelques mots de Quichua. Le tout me permet de développer un vocabulaire spécifique qui me servira lorsque nous organiserons les formations au sein des communautés.

Les premières escapades sont pleines d'enseignements : Nous partons à la recherche de l'ensemble des éléments nécessaires à la fabrication des nouveaux modèles, direction Ambato, grande cité «équatorienne » (devant Riobamba en terme de population).

 

Départ à 5h du matin, et après 2h de bus, je m'attend à flâner dans un gigantesque marché plein d'étalages de toutes les couleurs et de femmes souriantes qui t'expliquent tout ce qu'il faut savoir, mais... nous descendons au coin d'un trottoir où des femmes vendent à la sauvette, sous le manteau, des dizaines de shigras. Je n'ai pas encore les raisons de cette situation. Comme c'est à moi de les aborder en demandant précisément de ce que je recherche, elles m'annoncent des prix faramineux. Heureusement, Yolanda, grande connaisseuse, négocie directement en Quichua, parfois en confrontation directe avec d'autres acheteurs. Je ne comprend pas grand chose à ce qu'elles échangent, mais je peux vous assurer que ça ne rigole pas et que la virulence des négociations des trottoirs d'Ambato n'ont rien à envier à celles des rues marchandes de la vieille ville de Jérusalem (enfin, de ce que m'en a dit Hugues).

 

Heureuses d'avoir récupéré certains des modèles que nous souhaitions, nous grimpons une colline avoisinante où se trouve une fabrique de cuir. Avec la profusion des similis cuirs en occident, on oublie parfois l'existence et la réalité de la fabrication artisanale des cuirs véritables... Au vu des odeurs de vaches crevées et des différentes étapes de la fabrication, ça revient tout de suite !

Une belle expérience que de découvrir une fabrique où de l'animal à l'objet, tout est pris en main par des femmes et des hommes dont le savoir faire est reconnu.

 

L'atelier est maintenant prêt à l'usage, j'ai tous les éléments en main pour démarrer la conception : Tester les techniques, piquer, défaire, repiquer.. s'énerver sur la machine, les fils qui cassent, se faire mal aux doigts.. Bâtir, doubler, défaire à nouveau... recoudre.. piquer, repiquer encore, surpiquer.. aller faire un tour dehors parce que ça m'énerve, et revenir avec une nouvelle idée pour résoudre mon problème.. C'est le quotidien de ma semaine à l'atelier !

Et voilà, ça y est, je retrouve enfin certains gestes propres à mon métier. Je dois vous avouer que ça fait du bien, je me replonge dans ce savoir faire si particulier, que l'on (re)découvre toujours et qu'on ne termine jamais d'apprendre.

 

Et bientôt, quand je serais à l'aise avec l'ensemble des modèles, des machines et que j'aurais établis quelques plans de formation en espagnol et en quichuas (avec l'aide de Yolanda), je pourrais enfin aller à la rencontre des femmes des différentes communautés pour échanger avec elles. D'une part pour leur apporter ces détails essentiels pour une vente de qualité auprès des touristes et des différents marchés envisagés, et d'autre part pour qu'elle puisse m'apprendre à réaliser la fameuse base en fibres d'agaves.

 

Et là, je serais enfin au cœur de ma mission, permettre à l'ensemble de ces femmes d'augmenter les revenus liés à leurs activités de couture. Et pourquoi pas, au gré de ces rencontres et des discussions, aller plus loin et aborder des sujets plus spécifiques à leurs conditions de vie et d'existence, en tant que femmes quichuas en milieu rural.

 

J'ai hâte !



31/03/2019
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