Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

Lamahuana - Les aventures d'Elise et Hugues en Equateur

6 - Le(s) Carnaval(s)

 

Excepté les services publics (police, armée, justice, santé, éducation ou ministères...) et quelques grandes entreprises (trop rares) qui jouent le jeu, la plupart des salariés ne connaissent pas les mots « congés payés », ni le principe du « week-end ». ça demande de longues minutes d'explication pour raconter d'où ça vient, quel en est l'intérêt et pourquoi ce sont des droits qui ont été chers payés en France.

En Equateur, quelques jours fériés sont tout de même disséminés ici et là dans le calendrier annuel. C'est le cas fin février/début mars pour le célèbre Carnaval. Dans ce contexte social, vous imaginez aisément l'explosion que ça peut être, le relâchement général de tout un pays, pour quelques jours où tout est à peu près permis. Avec quelques particularismes selon les villes ou les provinces, histoire d'attirer le plus de touristes possibles !

 

C'est un peu cela qu'on a pu vivre, dans trois lieux différents, quatre jours de suite. La chance a fait que nous étions accompagnés de Stéphane, chargé de mission à la DCC, Ozanne et Elisabeth, deux autres volontaires, Léo bien sûr et son amie Clara. Vous avez bien lu « la chance », car le fait d'être un groupe nous protège plus ou moins, vous comprendrez pourquoi... Nous allons vous partager quelques unes des coutumes que nous avons parfois touché de près =)

 

1 – Le Samedi à Riobamba

 

Certains aspects des carnavals sont communs : Un grand défilé où se succèdent les troupes qui, par le chant, les danses, les costumes et la musique cherchent à transmettre quelque chose. Au travers d'un circuit a priori prévu, mais pas vraiment protégé, des milliers de personnes massées le long des trottoirs attendent pendant plus de deux heures la fin du défilé. Nous étions de ceux là, à admirer les troupes mais aussi à préparer nos armes et quelques stratégies d'autodéfense.. Car oui, le carnaval, c'est aussi l'affrontement ouvert à coups de pigments colorés, d'eau et de ces fameuses cariocas. Ahhh.. les cariocas, pour un ou deux dollars tu peux te procurer ces bouteilles plus ou moins grandes qui, avec du gaz, crachent à quelques mètres une eau savonneuse à l'aspect disons.. chimique.Vendues dans tous les magasins au moins 10 jours avant le carnaval, et le jour J, il n'y a pas 5 mètres sans un vendeur ambulant de cette joyeuse artillerie. A vue de nez, rien que le samedi à Riobamba, des dizaines de milliers de bouteilles ont été utilisées. Des dizaines de femmes, plutôt âgées, ont passé leur journée à les ramasser dans des sacs plastiques noirs, mais au passage, personne n'a vraiment su me dire où se retrouvaient toutes ces bouteilles vides...

 

 Quand le défilé est terminé, c'est le moment de rejoindre l'une des grandes places où vont se dérouler concerts et activités jusqu'au bout de la nuit, dans une ambiance de guérilla urbaine conviviale où tout le monde est plus ou moins armé d'une cariocas ou d'un pistolet à eau.

N'imaginez jamais être à l'abri... à peine les lunettes essuyées dans un coin de rue après une attaque réussie contre un autre groupe de blanc, et PAF ! Une vieille dame dont tu n'aurais jamais soupçonné la vilenie, te saute dessus et vide sa cariocas sur ton visage voir même dans ton t-shirt; Tandis qu'une camionnette passe avec un énorme tonneau d'eau à l'arrière et quatre jeunes avec des seaux autour qui arrosent allègrement la foule des passants.. C'est épuisés que nous rejoignons La Quilla Pacari pour trouver le repos avant le nouvel assaut du lendemain.

 

2 – Le dimanche à Calpi

 

Le défilé est un peu moins grand, moins long, il n'y a qu'une seule grande place pour la fête mais l'ambiance est beaucoup plus familiale. C'est dans le défilé de Calpi qu'on nous apprend comment boire. Ici, on ne partage pas sa bouteille, mais son verre, c'est le principe. On peut boire dans le même godet mais pas dans le même goulot  Globalement, si tu te ballade avec une bouteille et un verre à la main, c'est que tu payes des coups à la terre entière. Le premier fut un un homme costumé avec un bidon de 5 litre à la main et un petit verre de 5cl, pas du genre à y verser du jus de banane.. Il te regarde, te fait un signe, t'offre un verre, la stratégie est la suivante : « Tù primero !» (« Toi d'abord! »), il accepte avec plaisir et on ne sait jamais trop si ce qu'il y a dans son bidon. C'est un peu histoire de vérifier tout en ayant l'air poli... Ensuite on finit par prendre un verre (ou deux), en laissant bien entendu une dernière goutte que l'on jette vigoureusement par terre : « Por la pachamama ! ». Et la boucle est bouclée, on fait plaisir à quelqu'un, on boit, on remercie la Terre pour ce qu'elle nous offre et on recommence !

 

 

 

Mais ne vous y trompez pas, c'est n'est pas le moment de souffler. Comme on est les seuls blancs et plutôt grands, on est des cibles faciles. D'accord on est un petit groupe, mais à 4 ou 5 contre 3 000, c'est pas fameux comme rapport de force. D'ailleurs, Elise l'a appris à ses dépends quand 8 jeunes hommes ont vidé leurs cariocas et déversé l'équivalent de trois seau d'eau alors qu'elle venait à peine de sécher... Pour Hugues, ce ne fut pas plus glorieux quand une grand mère avec un tatou accroché dans le dos, un Cuy (prononcez « couilles » : cochon d'inde) mort dans la main et des herbes aromatiques dans l'autre s'est jetée sur lui pour le libérer des mauvais esprits. C’est donc à grand frottements de ce mignon petit rongeur décédé sur le visage de Hugues que la grand mère s'est amusée pendant un temps indéterminé.

 

A nouveau, la Quilla Pacari devient un refuge pour les quelques volontaires DCC avant le départ dans leur zone de mission, vite remplacés par l'arrivée deux couples de touristes : Marie et Thomas les français, Antoine et Fiona les belges. C'est avec ces derniers que nous allons vivre les deux derniers jours de carnavals à cent mètres de la maison.

 

3 – Lundi et Mardi à San Francisco de Cunuhuachay

 

Là on ne peut plus vraiment parler de défilé, mais tout de même, des groupes qui passent d'une maison à une autre en chantant des chansons paillardes et qui se font offrir breuvages et victuailles à gogo : El trago, alcool frelaté local dont ils se servent habituellement pour calmer les douleurs d'estomac. La sopa bien sûr ! Un bouillon de légumes avec des morceaux de papas (pommes de terre), coliflor (choux fleur) et un morceau de pollo (poulet). Avec un peu de chance tu peux tomber sur la tête du pauvre animal avec les yeux qui flottent dans l'eau chaude.

 

C'est l'estomac déjà rempli que nous rejoignons la place centrale où se trouvent à peu près... 10 fois plus de personnes que d'habitants dans le village devant une scène immense. Tout est entouré de petits stands où se vendent encore des cariocas, de la Pilsener (blonde légère pas très bonne qui a le monopole de la vente apparemment, on y reviendra dans un autre article..), pleins de choses à manger, mais aussi des œufs et de la farine, nous vous laissons deviner pourquoi..

Déjà à Calpi on ne passait pas inaperçu, mais là :

 

  • Thomas, Hugues et Léo, trois hommes blanc à barbe qui font plus d'1m80. Un coup d'oeil et ils sont repérables à 500 mètres dans la foule. Leurs têtes dépassant allègrement d'au moins 20cm faisaient d'eux des cibles particulièrement tentantes. Antoine, le seul qui aurait pu se faufiler pour éviter les assauts de cariocas, était cloué au lit pour raisons... alimentaires.

  • Pour Fiona, Marie et Elise, jolies blanches dont deux blondes, l'affaire n'a pas été plus facile. Elles furent des cibles mais pas forcément pour les mêmes raisons, combien de jeunes équatoriens ont tenté leurs chances en les « invitant » (on prend le poignet et on tire) à danser ou en leur courant après avec un œuf en leur demandant si elles sont mariées... C'est dans ce genre de moment qu'on doit mettre des limites à l'acceptation des pratiques culturelles différentes et ça amène à des discussions passionnantes, nous y reviendrons précisément dans un autre article.

 

Après une longue bataille de cariocas et un dernier concert où la chanteuse, a priori connue de tous, nous a offert un CD, nous rentrons nous préparer psychologiquement au fameux Juego del Pollo (Le jeu du poulet) dont Pierrick nous a rapidement évoqué l'existence.. Âmes sensibles et défenseurs des animaux s'abstenir.

 

C'est un début d'après midi chaud, il n'y a plus qu'une centaine de personnes sur la place, dont certaines sont tellement éméchées qu'on se demande si elles se sont couchées cette nuit.. Quelques individus tentent de monter un attirail bien curieux, c'est bientôt le début des jeux.

 

  • Deux poteaux bien haut, et une corde solidement amarrée à un Homme qui a l'air de savoir ce qu'il fait. Un peu plus loin, une dizaine de poulets sont accrochés les uns aux autres. On prend un poulet vivant que l'on accroche par les pattes à la corde, l'Homme peut donc faire monter ou descendre le poulet à son envie. Le principe est le suivant : Une file indienne se forme (d'où l'expression peut être..), on prend son élan et on doit sauter pour attraper la poule. Si c'est réussi, la poule est à l'attrapeur ! Et on recommence. Parfois la main attrape le cou de la pauvre bête et s'en va seulement avec la tête.. Le jeu se termine mais il reste quelques poulets..

  

  • Quelques hommes creusent un trou et enterrent, toujours vivant, l'animal, laissant dépasser un bout du cou et la tête. On prend un ou une volontaire a qui l'on bande les yeux et l'on donne un bâton ou un coupe-coupe. Le principe est le suivant : on doit guider l'aveugle par des cris afin qu'il retrouve le poulet et s'il arrive à lui couper la tête, l'animal est à lui..

 

Et ne vous y trompez pas, ce n'est pas seulement un jeu d'Hommes, tout le monde y joue, quelque soit l'âge et le sexe. Pour les enfants, le jeu est adapté et par exemple, les jeunes courageuses qui tentent leur chance pour ramener le poulet à la famille, sont vigoureusement encouragées par la foule ! Mais c'est tout penauds et les mains vides que nous repartons après de vaines tentatives de ramener un poulet..

 

C'est ainsi que se termine pour nous l'expérience du carnaval, nous n'assistons pas à l'enterrement de ce dernier qui a lieu le mercredi des cendres, pour lancer le début du carême. Mercredi c'est aussi le jour de la « minga » de nettoyage à laquelle nous participons. Une minga ? C'est toute une institution.. On en reparlera dans un prochain article.

 

D'ici là, on vous embrasse fort, on pense à notre Pays qui est, ces jours ci, dans la rue pour revendiquer une écologie intégrale qui lie de front les questions sociales et écologiques... Bravo de loin !

 

 



16/03/2019
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